samedi, octobre 22, 2005

Vendas Novas - BarryBlack

Vendas Novas ? Un premier tour sur Google laisse perplexe celui qui cherche à en savoir un peu plus sur ce groupe de musique électronique. On est en effet dirigé vers deux pistes de recherche intrigantes : une ville glauque perdue dans une garrigue hostile entre Lisbonne et la frontière espagnole, et un label allemand — Doxa Records — qui affiche un catalogue de musique électronique underground qui tranche sévèrement avec les douceurs mélancoliques du Fado d’Amalia Rodriguez.

Vendas Novasl

Le lien entre ces deux sites somme toute éloignés se trouve entre les deux, sur les rives de la Maine à Angers, où deux cuistots psychédéliques répondant au nom de la « charmante localité » portugaise se sont mis il y a quelques temps à mixer rageusement un son apatride. Alors, Vendas Novas, c’est quoi ? Pendant un concert dans le club du Chabada (Angers) après un concert de Zenzile, on pouvait entendre dans le public « C’est du son allemand ! ». Paradoxalement, c’est sous l’étiquette de « French Noise House » qu’on retrouve Vendas Novas sur le site du label de Dresden Doxa. Armés de machines qui rappelleront à certains vieux « rockers » les expériences des années 80, Boccus — affublé d’une grande toque et de ray ban noires — lance ses sons de grosses caisses, de charley et de caisse claire pendant que des basses profondes (importées à l’origine d’un Dub plus londonien que jamaïcain) impriment désormais une marque « heavy » à sa musique de club. Mr Eau, dans l’ombre de ses platines, cale ses scratch pendant que son acolyte ravage tout sur son passage. Jazz, hip hop, funk, la Great Black Music n’est jamais loin dans ses vinyles qu’il est prêt à servir, tel un bootlegger, à n’importe quel moment du set ou de la nuit. Pendant la performance, la masse des clubbers tente d’adapter son rythme cardiaque à l’envoûtante scansion du Duo culinaire.



Un troisième ingrédient sonore vient se greffer à cette ambiance électro-rock répétitive : le chant. « That keeps me boiling » psalmodie en boucle Carole, l’égérie de ces inquiétants fêtards, avec une voix lointaine dont les accents électroniques nous interpellent. « That keeps us rolling » reprennent les danseurs qui s’éternisent sur la piste, totalement sous influence des basses obsédantes de Boccus le chef des machines, des rythmes saccadés du maître des platines Mr Eau alias Maïté, et des volutes monocordes de la chanteuse. Sans se perdre dans le cliché de la transe qu’on attribue abusivement à toutes sortes de musique qui revendiquent la primauté de la rythmique binaire et des sub-basses démesurées, il est évident que le rapport au corps est primordial chez Vendas Novas. Certes, l’ambiance des clubs des villes modernes est désormais bien éloignée des cérémonies traditionnelles où le corps sortait de lui-même grâce au support de la musique. Mais on peut quand même observer un certain revival de l’esprit de possession et d’abandon de soi dans la scène électronique contemporaine.



Les tendinites du DJ/scratcheur en témoigneront : cette musique vient des viscères et sollicite le corps dans son entier. Ce n’est donc pas un hasard ni un effet de style si Vendas Novas choisit le thème de « la grande bouffe » pour apparaître sur scène. Existe-t-il métaphore plus révélatrice pour désigner leur état d’esprit qui ne comprend la musique qu’à la condition qu’elle s’adresse à l’esprit tout en bouleversant les tripes ? On pouvait il y a quelques temps assister à des performances culinaires pendant les concerts de Vendas Novas, autre signe de cette recherche en direction d’une fusion de l’art et de la nourriture.



Une jeune femme montait sur la scène pour réaliser un happening en découpant minutieusement des rondelles de pommes, dans l’esprit des futuristes italiens des années 20. Une manière de provoquer l’habituelle distinction savante entre esthétique de l’esprit et simple plaisir des sens ? Alors que les deux truands angevins s’apprêtent à organiser leurs bacchanales dans les clubs de Bruxelles, d’Amsterdam et de Hambourg, prenons garde à ne pas manquer leur premier cochon égorgé — je veux dire, la sortie, chez Doxa Records, de leur nouvel album, Barry Black.*

www.vendas-novas.com/